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Ah ces fainéants de salariés, traquer pour jeter... "Les entreprises veulent se débarrasser des brebis galeuses" : en Allemagne, des détectives privés traquent les faux arrêts-maladie

Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
 
Publié
Temps de lecture : 3min
Marcus Lentz, détective privé à Francfort, en Allemagne, s'est fait une spécialité d'identifier les fraudeurs à l'arrêt-maladie. (SEBASTIEN BAER / FRANCEINFO)
Face à l'augmentation du nombre d'arrêts-maladie, des détectives privés traquent désormais des salariés, sur demande des entreprises. Un business en pleine expansion.

En Allemagne, le nombre d’arrêts-maladie augmente, année après année. En 2023, les salariés ont été en arrêt 15 jours, soit quatre jours de plus qu’en 2021. Et cela préoccupe les entreprises. Le patron de Mercedes a même dénoncé un absentéisme "deux fois plus élevé que dans d’autres pays européens". Ces absences, qui ont un impact sur l’activité, rendent méfiants certains employeurs. Au point que certains sollicitent les services de détective pour traquer les fraudeurs.  

Marcus Lentz, qui exerce à Francfort, promet aux patrons qui font appel à ses services un taux de réussite de 90%. Cette semaine-là, ses équipes ont pris en filature douze salariés, en quête du flagrant délit. "Ça peut être quelqu’un qui est en arrêt-maladie pour une hernie discale et qui pose du gazon en rouleau dans son jardin. Ou quelqu’un qui souffre d’une grippe carabinée et qui fait du shopping toute la journée et, le soir, va à la piscine", énumère-t-il, assurant que ce sont "de vrais exemples". "On observe et on suit les gens. Presque tous les fraudeurs commettent une erreur."

Deux fois plus de demandes en cinq ans

Parmi ses clients, le détective compte aussi bien des entreprises cotées en bourse que des PME d'une centaine de salariés. Les enquêtes, qui durent trois ou quatre jours, sont facturées de 6 à 8 000 euros et aboutissent le plus souvent à un licenciement. L'année dernière, l'agence de Marcus Lentz a traité 800 demandes, soit deux fois plus de dossiers qu’il y a cinq ans.

"Quand l'économie va mal, les entrepreneurs veulent se séparer des brebis galeuses, estime Marcus Lentz. Ils en ont assez des employés paresseux qui considèrent les arrêts-maladie comme des vacances supplémentaires. Soyons honnête, qui aime se faire arnaquer ?"

"S’ils ne font rien, alors un jour la moitié du personnel sera malade et l’entreprise fera faillite."

Marcus Lentz, détective

à franceinfo

Cette hausse des arrêts-maladie pèse sur l'économie allemande. Claus Michelsen, de l'association des entreprises de recherche pharmaceutique, a fait ses calculs. Les arrêts-maladie ont coûté à l’Allemagne 0,8 point de croissance en 2023. "Si l'on exprime cela en euros, cela représente environ une perte de 30 milliards d'euros pour l'ensemble de l'économie, explique-t-il. C'est considérable, d'autant que la croissance allemande stagne depuis 2019. C'est un facteur supplémentaire qui pèse. Je peux comprendre que des entreprises s'inquiètent et imaginent des stratégies pour éviter les congés maladie." 

Elke Ahlers, économiste à l’institut WSI, assure que les abus concernant les arrêts-maladie restent exceptionnels en Allemagne. (SEBASTIEN BAER / FRANCEINFO)

Depuis la crise du Covid, un simple appel téléphonique au médecin peut suffire pour obtenir un arrêt. Une procédure simplifiée, qui aurait contribué à amplifier le phénomène. Une idée fausse, selon Elke Ahlers, économiste à l’institut WSI, de la fondation Hans Böckler. Elle assure que les abus restent exceptionnels. "Je ne dirai absolument pas que les Allemands ont tendance à se faire porter pâle. Il y a certainement quelques personnes qui profitent du système, mais la majorité a de vraies raisons. Nous manquons de main-d’œuvre, les entreprises sont en sous-effectif et beaucoup de salariés sont surchargés."

"Vérifier avec des détectives si les gens sont vraiment malades, c'est tout sauf normal."

Elke Ahlers, économiste

à franceinfo

L'année dernière, Tesla, qui exploite une usine automobile près de Berlin, a aussi envoyé des cadres au domicile de certains employés pour contrôler la réalité de leur arrêt-maladie. En réponse à la polémique, le groupe d'Elon Musk a qualifié la pratique de "tout à fait normale".

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